Essences
-
Menthe et lavandin,
aux lisières des forêts,
libèrent le feu
dans l'eau claire du soleil
où le rêve fou s'exhale.
Cueille tes parfums,
lavandière de nos jeux,
mémoire essentielle
des armoires de l'enfance,
où les draps de vie s'ordonnent.
Écoute, mon cœur,
la rumeur des horizons.
Scrute les abysses
de nos vieilles certitudes,
jusqu'à l'apnée du bonheur.
28.02.16
La tentation cathare
-
Que de pas perdus
sous les cloîtres insoumis !
Que de cloche-pied
aux marelles hérétiques
aux noviciats sans aveux !
Que de certitudes
et nos deux genoux en terre !
Que de poids de doutes
pour briser l'ordre des fastes
et cercler le funéraire !
Que d'ostentatoire
et des enfants pour lancer
devant le cortège
tant de pétales de roses
jusqu'aux buchers des croyants !
Tant de feux et flammes
aux prêches pour embraser
les ailes des anges,
les regards de compassion
et les voûtes du plain -chant !
Tant de pas perdus
de sang, de larmes, mêles
de crucifixions,
pour que cesse l'holocauste
et que la lumière éclate !
25.02.16
Valeurs plurielles
-
Vivre au quotidien
la pluralité n'est pas
démarche facile
pour l'Europe du désir,
assaillie par ses chimères.
Croire qu'il suffit
pour défendre ses valeurs
d'édifier des murs,
est la construction débile
d'un esprit transi de peur.
De quelles valeurs
l'Europe se nourrit-elle
-Chrétiennes, dit-on ?-
dans sa longue gestation
et dans sa petite enfance ?
Valeurs des pogroms,
croisades et anathèmes ?
Des cachots puants
de la Sainte Inquisition
et de ses bûchers funestes,
pour l'homme asservi
et l'humanité en quête
des clés du Royaume,
d'un vivre ensemble acceptable,
pour un peuple libéré.
Non ! La chrétienté,
qu'on prétend notre berceau,
n'était pas chrétienne .
Heureusement pour le peuple
le vent pris soin de ses rêves !
25.02.16
Impayé
-
(petite histoire de tous les temps)
Chevron ! Tu fus
branche d'arbre dans la haie,
au clos du Bonhomme.
Les villageois appréciaient
ton ombre aux grandes chaleurs,
et tes fruits d'automne
qu'ils cueillaient avec amour
pour passer l'hiver.
Les charpentiers te lorgnaient
pour ta forme d'arbalète.
Ils te voulaient faire
la membrure d'un vaisseau
-hauturier peut-être-
que l'armateur, donneur d'ordre,
armait déjà dans sa tête.
On abattit l'arbre
sans se soucier du village
ni des villageois
Qui même paya le prix
de l'arbre abattu ? Savoir !
Mais de vaisseau point.
Les charpentiers refusèrent,
en bons ouvriers,
de travailler du bois vert.
Fit défaut le donneur d'ordre !
Quand le bois fut sec
on en fit une charpente
au grenier dîmier,
voici bientôt quatre siècles.
Le village attend son dû.
Les arbres sont-ils
aussi sereins, qu'on voudrait
nous le laisser croire,
lorsque les vents se déchaînent
à la bourse de New-York ?
Les hommes sont-ils
aussi ignorants du droit,
quand on leur assure
que les produits de leur sol
sont sans valeur aujourd'hui ?
24.02.16
A mon ami Pierrot
-
Au clair de la lune
la nuit est toujours obscure
quand les nuages passent.
Faut-il pour autant pleurer
si les mots peuvent s'écrire,
-à tâtons sans doute-
et dire la vérité
à notre voisine,
devant sa porte fermée
et l'amour de Dieu forclos.
Reste la chandelle...
et le briquet qu'on doit battre
pour que l'étincelle
jaillisse de la cuisine
et rouvre la porte aux rêves
23.02.16.
Nous avons vécu
l'épopée de nos désirs
et nous sommes las,
comme si les vieux briscards
mesuraient leur vanité.
On nous avait dit
qu'il n'en fallait pas attendre
grande récompense.
L'image du bien commun
suffirait à notre gloire.
Mais l'âge venant
il nous fallut reconnaître
qu'alentour de nous
les filous et les requins
accumulaient les richesses.
Nous pansions nos plaies
au silence de nos cloîtres
ne sachant que croire
de ceux qui se sont servis
du sang de nos turcopoles.
21.02.16
Merveille
-
Quel lien y a-t-il
entre la main du sculpteur
et les mots qui viennent
sous ma plume quand j'avoue
l' émotion qui me saisit
de voir la matière
devenir sous le burin,
le ciseau, la meule,
ou le feu du chalumeau
un tout autre et bel objet ?
Serait-ce la source
de cet émerveillement
qui surgit en moi,
la même beauté du geste,
le mot choisi qui palpite ?
20.02.16
Le chemin des éboulis
-
Où est le chemin
de l'incroyance à la foi ?
Sommes nous si loin ?
Entre elles deux , la montagne
nous paraît infranchissable.
Qu'as-tu à prouver
pour répondre à quel appel ?
Ou cautériser,
en toi, quelle plaie native
et risquer ce pari fou ?...
Croyance, incroyance,
deux sœurs irréconciliables,
dans le vent des doutes,
déployant leurs arguties,
drapées dans leurs certitudes.
La raison les tient
au jeu de la vérité.
Et dans la pénombre
passe en boucle leurs diatribes
pour tirer le vrai du faux.
Laisse leurs chicanes
aux bas fonds de la vallée.
Et, toujours plus haut,
avance dans les éboulis.
C'est là que la foi grandit.
19.02.16
A la porte de la nonantaine
-
Quand je me souviens
des vieillards de mon enfance,
j'éprouve soudain
un étrange sentiment
de solitude taiseuse.
Je reste sans voix.
Le silence s'épaissit.
Les mots se dérobent
dans la brume mémorielle
des a priori formels.
Qu'est donc un vieillard
pour un homme de mon âge ?
L'enfant que j'étais
avait-il conscience vive
de ce qu'il serait plus tard ?
Ou refusait-il
de vieillir en grandissant ?
Car là est l'enjeu :
Peut-on espérer murir
en évitant de mourir.
18.02.16
La clé du mystère
-
L'hiver est fini
nous disent les bons augures.
Est-ce bien certain ?
Même si les primevères
fleurissent notre jardin...
Le réchauffement
est-il à ce point climatique
qu'en son indulgence
il nous épargne la neige ?
Ou faut-il croire au mensonge ?
Glèbeux devenus
hommes de sable et de paille
vers quoi marchons nous?
C'est certain vers notre fin
terrestre. Et plus loin, peut-être ?
L'âme, en ses puissances,
dévoile à nos yeux humains
son profond mystère,
sans nous donner d'autres clés
que celle du charbonnier.
16.02.16
