La fraîcheur nocturne
a réduit le grand écart
entre l'être et l'âme,
en apaisant les ardeurs
dans la vasque du sommeil.

Frôlement du souffle !
Faut-il y lire le signe
d'une vraie présence,
ou un reste des puissances
si l'émotion les saisit.

Avatar ultime
quand s'éloigne l'utopie
sur l'horizon clair,
aux abysses de l'apnée,
dont ressurgiront les mots  

Être qui, ou quoi ?
Pour qui est-ce la Question ?
Peut-être pour moi ...
si j'ose me retourner
sur les traces de mes mots.

Sont-ce toujours eux,
si je couche ma pensée
sur la page blanche,
que je rends ainsi captifs,
leur âme ou leur apparence ?

Pourtant ils sont libres
de venir à mon appel
 ou de se cacher.
Mais il faut les appeler
 pour leur redonner puissance.
 

Génie de la langue !
A mesure que tissée
elle emprunte aux mots
les puissances de leur âme
et s'en fait une parure.

Mais les mots survivent
et retournent à leur source
qui les régénère,
prêts pour d'autres aventures,
en dépit de leur usure.

Génie de la langue,
qui n'existe pas sans eux,
mais qui ne subsiste
qu'à condition de leur rendre 
 leur pleine liberté d'être !

Entre eux, qui choisit,
dans la vasque de la source
les mots à tisser,
qui met en place la chaîne
et la navette de trame,

lance le métier,
déroule l'oeuvre à mesure, 
qui est l'ouvrier,
qui a commandé l'ouvrage,
qui dirige l'atelier ?

Et peut-on savoir
qui du mythe ou du symbole
 ou de leurs puissances
 enrichit la langue seule
d'une autorité plus haute ?