Chantier interdit au public
-


Je ne connais pas
ce nouveau quartier de ville.
J'y suis sans repère
et n'identifie aucune
des ombres qui me bousculent.

Suis-je un étranger
dans la cité où jadis
j'ai fourbis mes armes ?
En suis-je à ce point absent
que l'air familier me manque ?

Pourquoi demeurer ?
Où puis-je trouver un banc
où m'assoir en paix ?
Un homme à qui demander
mon chemin pour m'en aller

vers plus accueillant
que bruyantes bétonnières,
ferrailleurs casqués.
Pas un chat, ni chien, ni rat,
pour guider mon devenir.

Où poser ma tête,
lasse d'un si long périple ?
Voir enfin venir !...
Ma place n'est plus ici,
quand tant d'autres vont y vivre.

31.10.16

Questions d'appréciation

-

Je le rencontrai
un jour au coin d'une rue :
il voulait me voir.
Il me parut agité,
peut-être désemparé.

Je le connaissais,
je connaissais ses parents,
et ses grands parents.
Je savais que ses vingt ans
pesaient lourds dans sa besace.

Il eut fallu là
une table de bistrot
un banc où s'assoir.
Sans fixer le rendez-vous
je lui proposai : chez moi. !

C'était trop, peut-être...
Car il n'est jamais venu.
Puis je l'oubliai..
Quelque temps plus tard sa mère
vint me dire ses angoisses.

Il s'était marié
et converti à l'Islam.
Il portait la barbe,
la tunique des croyants,
il s'apprêtait à partir

au Moyen Orient.
Qu'aurais-je pu faire et dire
qui l'eût empêché
de choisir sa foi en Dieu ?
C'était avant la Syrie...

Qu'a-t-il fait depuis
et quel est son devenir,
s'il veut revenir ?...
Qui, dans l'Administration,
saura apprécier son âme ?

30.10.16

D'un teneur de livre en soi
-

A J.F.B. Qui m'a montré la voie de l'écriture quotidienne.

Pourquoi chaque jour
noter sur son calepin
le temps qu'il a fait ?
Qu'avait donc besoin grand-Père
de se souvenir ainsi ?

D'où vient ce rituel
de météorologie
où le ressenti
se mêlait aux menus faits
et aux drames de la vie ?

Rien de scientifique
sinon la température,
parfois : « Froid de loups »,
« Chaleur torride » ou « Temps doux »,
« Colère du ciel », « Soleil ».

Mais si son courtil,
où bêcher, semer, planter,
était son champ clos
de jardinier affronté
aux caprices des saisons,

quel sens donnait-il,
sur la table de cuisine,
à ces quelques mots,
venus de son porte-plume
et de sa bouteille d'encre.

29.10.16

Les piliers de la création
-

« Écrire, créer, c'est augmenter le réel... »

Valentine Goby
La Croix (27.10.16)

Dire, écrire et lire
sont actes de création
de l'esprit humain,
où circule la parole,
dispersée aux quatre vents.

Dire est exprimer
tout ce que nécessaire :
besoin ressenti,
peur éprouvée, ou pensée
furtive obligent l'humain

à communiquer,
pour vivre en humanité,
dans l'instant présent,
survivre aux calamités,
bâtir des projets communs.

Écrire est fixer
la fugacité du dire
et de la pensée.
C'est incarner dans la langue
la réalité de l'être.

C'est aussi permettre
de dissoudre les distances
de l'espace-temps
jusqu'à imprimer sa trace
sur la plage des mémoires.

Il revient au lire
de recevoir la parole,
présente et passée,
pour la réécrire en mots
nouveaux : lui redonner vie.

Et dans le nouvel
univers où le projette,
hors des limites sûres,
la démesure des rêves,
augmenter la réalité.

28.10.16

Irréductible esprit
-


Toi, l'irréductible,
qui vit en moi et me porte
au delà de moi,
comment puis-je me déprendre
de la glu qui m'envahit,

sans ton attention
vigilante, encourageante ?
Aide moi !...De là,
sois mon guide, je t'en prie
esprit de similitude !

Pour qu'enfin je puisse
Lui ressembler d'avantage
selon sa promesse.
Et vivre en lui, éternel
où s'érige le Royaume.

27.10.16

Principes d'inégalités
-

Les mots ne sont pas
entre eux, tous égaux en droit.
Quant à leurs devoirs
ils les exercent suivant
des règles qui nous échappent.

Les chinois disent d'eux,
porteurs de sens, ou sans faix,
qu'ils sont pleins ou vides.
A la langue, indispensables,
mais hiérarchisés ils ont,

malgré leurs caprices,
tout pouvoir sur la parole.
Si tu n'y prends garde
ils te perdront aux ronciers
de leurs contrevérités.

Toute vérité
est-elle bonne à entendre
ou meilleure à dire ?
« ça dépend ! » diront les sages
Les puissants ne diront rien...

26.10.16

Aux primaires...

...qui veulent nous gouverner

Vous avez perdu
le sens de la vie commune,
et, dans votre bulle,
vous imaginez un peuple
que vous avez cru connaître.

Mais ce peuple là...
de votre enfance peut-être...
a cédé la place
à un agglomérat plus
ambitieux,, moins solidaire,

et qui ne sait plus,
disent nos maîtres penseurs,
à quel saint se vouer.
Leur ciel est désormais vide,
aussi bien que l'être en soi.

L'individu roi
a reconstruit l' univers
sous sa seule égide.
Ses complices financiers
en déploient pour eux les fastes.

Et le triomphant
des télé-réalités
se montre captif
de sa propre liberté...
Votre peuple est mort ! Mais l'homme,

le vrai qui fait peuple,
quand on l'admet à penser
à son devenir,
Qui, d'entre vous tous, primaires,
peut encore le comprendre ?
25.10.16

Perspectives contradictoires
-

Gigantisme urbain,
démesure structurelle
de l'espace-temps,
accélération sans fin
des vertiges du trou noir !

Micro-organisme,
concassé par les concepts
des vieux philosophes,
le grain de poussier humain
est noyé dans le béton.

Les échappatoires
se révèlent sans issues...
Une branche d'arbre
pourra-t-elle encore offrir
un gîte à la tourterelle,

à l'humanité
une ombre agitée au vent,
la fleur d'espérance
pour que la rosée y perle
et que l'abeille butine.

24.10.16

Séparation amiable
-

- « Lorsque tu t'éloignes
du cercle où nous partagions
désirs et projets,
Qu'emportes -tu avec toi ?
Que nous laisses-tu, ma sœur ?

De quelles richesses
te sommes nous redevables,
dans ce long partage.
L'équilibre était-il juste
pour toi seule et pour nous tous ?

- « Sensation légère...
Je remporte mes désirs.
Vous m'avez appris
à vivre ma liberté.
Je vous laisse à vos projets !

23.10.16

Le droit à la fête
-


Demain c'est la fête,
la fête de la châtaigne,
le « Marron de R'don »
Pourquoi tant de précautions ?
Régler la circulation ?

Redon a-t-il peur,
Redon se prend-il pour Nice.
Craint-il les barbus,
soucieux de promouvoir
le règne des drapeaux noirs.

La ville retrouve
ses remparts du temps jadis.
Conjurer l'Apocalypse
explique-t-il les barrières,
le grillage et le béton.

Retourner mes poches
pour franchir le portillon,
sauf-conduit étrange !
Est-ce le prix à payer
pour avoir droit à la fête ?

21.10.16