Rosetta et la comète
(fable)

-

à tous ceux qui étendent
le champ de leurs puissances
sans savoir ce qu'est une escarbille
dans l'œil.

Je m' étais penché,
pour mieux voir le paysage,
quand une escarbille,
dans un hoquet de fumée
a mit fin à mon audace.

Et le tortillard
a poursuivi son chemin,
fumant, crachotant...
Aveuglée par Rosetta,
Tchouri, d'un coin de mouchoir

et la larme à l'œil,
a tenté de dégager
sa pauvre paupière
du charbon de sa douleur,
pour retrouver son mystère...

Et nous tout autant,
en dépit de nos puissances
qui veulent savoir
la source de leurs lignées
et où plongent nos destins.

Vaine prétention
qui accentue la distance
entre ceux qui savent
et tout ceux que l'on prétend
condamner à l'ignorance.

31.05.15

Survivances
-


Si « Nuit et brouillard »
signifie effacement
de l'Histoire Humaine,
quels mots pourront effacer
les brûlis des crématoires ?

Solution finale,
quand chaque génération
veut exterminer
un peuple, pour s'emparer
de son âme et de ses mots ?

Ce furent ces mots,
le sinistre enjeu des meurtres,
de l'effacement
du père, au prix du déni
de l'Humanité en marche.

Ce sont d'autres mots
qu'il nous faut faire surgir,
du champ des mémoires,
pour redonner goût de vivre
aux survivants des massacres.

28.05.15

Orientation primaire
-

D'où souffle le vent
pour qu'il soit perçu par toute
oreille attentive,
pourvu qu'elles soit ouverte
au moindre souffle du cœur ?

Car c'est bien le cœur
qui est le siège du souffle
et rythme la vie
qui s'écoule dans les veines
pour tenir l'âme en éveil.

C'est la même écoute
qui alerte la raison
et retient le souffle,
lorsque le regard ému
s'éblouit de la beauté.
27.05.15

Panthéon
-

Nous étions enfants...
Ce que vous avez vécu
nous l'aurions pu vivre
si le hasard, l'occasion,
la réflexion, autrement

nous avaient guidés...
et forcément, nos regards
diffèrent des vôtres
sur ces temps d'incohérence,
de misère et d'imposture.

Nous sommes restés
dans la foule versatile,
dans les bancs de sprats
et les nuages d'étourneaux,
quand rodent les prédateurs.

Vous aviez choisi
de combattre à découvert.
Nous courbions le dos.
« Agir pour ne pas subir »
marque entre nous la fracture.

Si le sang versé
est juste contrepartie
de la liberté,
Il est juste, devant vous,
que la foule s'agenouille.

26.05.15

Le cri de l'oiseau
-


Les dires d'écriture
sont toujours impénétrables
même à leurs auteurs.
Ce sont les mots qui les fondent
et en gardent les secrets.

« le coucou au loin,
menace du clair obscur,
convoque le jour ».
Le haïku qui me vient
ouvre un étrange bien-être

à l'état de veille
qui précède en moi l'éveil
à l'heure incertaine
que le devoir à regret
me prépare pour l'envol.

Entendu, le cri
de l'oiseau lisse la plume
qui va le fixer
pour proscrire les chimères
dont les cris hantent nos nuits.

Réalité...Rêves
s'entrechoquent dans la brume.
Surgit l'étincelle
qui allume grand les yeux
aux visions d'un jour nouveau.

24.05.15

D'un galet saisi
-

Saisir un galet...
En lisière de l'estran
la mer se retire
et roule dans les rochers
aux limites des varechs

Au soleil, la vague,
le vent creusent des sillons...
Cris mythologiques
dans un vol de goélands
sur la plage de l'Esprit...

Que me faut-il faire
de ce galet qui me brûle,
au creux de ma main ?
Le lancer comme un défi
au front des prochaines vagues ?...

Pour d'autres défis,
en mémoire le garder,
folle rémission,
ou inutile ornement,
au coin de la cheminée.

24.05.15

Reprise du 31.07.99

Pesanteur des trois couleurs
-

Changer de regard
est-ce un conseil ou un ordre ?
Comment réagir
si l'orthographe diffracte
les lignes de perspectives?

Dans l'hésitation
s'insinue le choix social,
souvent imposé,
pour régir le vivre-ensemble
de notre communauté.

Quel est le rapport
entre l'homme que je suis
et l'humain rêvé,
Dans le regard de mes frères
et sœurs, marchant avec moi ?

Et la liberté
qui doit faire référence
justifie la marche
de l'humanité debout
au risque de ses pesanteurs.

23.05.15

Prémonition de l'enfant
-
L'aventure vint...
La route, que je croyais
une fois pour toute
tracée droite, m'apparut
hasardeuse et chaotique.

Ce fut en Septembre,
quand les sommations guerrières
se firent entendre,
l'' inquiétude, que je lus
dans les yeux de mes parents,

ébranla le sol.
Pourtant le ciel était bleu.
L'humus prometteur
du sous-bois fleurait l'odeur
des germinations profondes.

Seuls ces deux regards,
croisés sur mon avenir,
sans que je comprenne,
brouillaient entre nous l'image
incertaine d'elle même.

20.05.15

Question aux amateurs de roses
-


Le vieux jardinier,
au mitan de son courtil,
prend soin de ses fleurs
pour ouvrir à nos regards
les allées de la beauté.

-allées qu'envahissent,
parfois,orties et broussailles.
Le maître des lieux
dont la science est sans pareil
permet d' en goutter les charmes.

Car se promener
dans le jardin des merveilles,
aux brises légères,
et flâner parmi les roses,
est un délicieux instant.

Mais le jardinier
prisonnier de son courtil
sait-il que la fleur
qu'il entoure de ses soins,
est aussi la préférée

d'autres jardiniers
aussi attentifs que lui,
derrière leurs haies,
à l'ordre de la nature,
aux caprices des saisons,

aux lois du marché,
aux regard des promeneurs
épris de beauté,
et du devenir humain.
Pourquoi rester enfermé

dans son vieux courtil,
et ne pas oser glisser,
par dessus la haie,
un regard rasséréné
sur les roseraies voisines ?
18. 05.15

Beaugency 5
-


Éclat printanier,
en mauve sur chef d'azur,
l'arbre de Judée
émerveille le chemin
du pérégrin de passage.

Mais, passé le pont,
la fécondité promise,
au delà des mots,
saura-t-elle confirmer
l'espérance du regard ?
13.05.15