Chaque jour
-
Chaque jour tresser
le fil de l'humilité
qui ourle nos vies,
pour en tisser la tunique
sans couture de l'humain.

Chaque jour remettre
l'ouvrage sur le métier,
en dépit des peurs
qui font trembler les mains fermes
et ternissent la vue claire.

Chaque jour souffler
sur les tisons du foyer,
pour les raviver
et que la flamme jaillisse
dans la joie des retrouvailles.

Chaque jour tourner
le regard vers l'horizon
où poser ses doutes
et s'entêter à tracer
le chemin de l'espérance.

31.08.14

Aux cœurs candides
-

Les démons chauvins
durcissent les cœurs candides
de haine et d'orgueil,
après leur avoir soufflé
un désir de dignité.

Pourtant ce désir
pourrait dompter l'énergie
qui palpite en eux,
et sublimer leur réserve
en amour universel,

si la dignité
n'était pas le jeu, parfois,
d'ambitions douteuses
qui prétend sans finitude
la promotion de l'égo.

29.08.14

Joyeuse vertu
-

« La petite espérance marche entre ses deux grandes sœurs... »
Charles Péguy
Le porche du mystère de la deuxième vertu.

Dis nous, Espérance,
quand nous te voyons marcher
entre tes deux sœurs,
t'en vas-tu puiser la joie
à la source de la vie ?

Plus bas vers la mer,
dans les remous du grand fleuve,
les eaux sont moins claires,
et tes sœurs t'empêcheront
d'approcher de leurs tumultes,

ce courant furieux
que nos rêves fous emportent
vers l'éternité,
où l'abime du mal-être
désespère l'illusion.

Alors que plus haut,
au plus prêt des champs de neige,
sourd cette eau limpide,
dans ta joyeuse lumière,
espérance de nos vies.

28.08.14

Prémonitions ?
-

« Sorti en ville avec ma femme, nous traînant
tous les deux avec notre fardeau de peines.
Abandonnés et pensant toujours au fils ! »
J-F B.
(Jeudi 2 mai 1940).

Pourquoi exprimer
ce sentiment d'abandon ?
Est-ce le mot juste
pour dire votre mal être
ce Jeudi de l'Ascension.

Votre fils s'en va.
De loin, vous l' accompagnez.
Il ne voulait pas
confronter votre chagrin
à son propre désarroi.

Sans doute a-t-il su,
dans la cohue du départ
vers le front des troupes,
vos regards posés sur lui,
sans un geste de sa part.

Mais comprenez le !
Que sait-il de l'avenir
dans l'incertitude
où le plonge cette guerre.
A vous d'en tenir l'arrière.

Solo de chat
-



Les volets sont clos.
Les voisins sont en vacances.
Le chat « Rossini »
rôde comme une âme en peine
dans les allées du jardin.

« Ils m'ont laissé là,
et je ne leur en veux pas,
pour garder les êtres.
C'est un signe de confiance.
Au moins je sais qui je suis.

L'âme charitable
qui vient remplir ma gamelle,
dès le petit jour,
s'assure de ma présence.
Elle me confirme ainsi

ma valeur aux yeux
de mes très chers bienfaiteurs.
Pour les remercier
sur le paillasson j'entasse
les mulots morts de mes traques.

Que feriez d'autre
à ma place ? Il me faut bien
rembourser ma dette.
Les indigestes mulots
ne sont pas bons musiciens.

26.08.14

Pharmakon
-

Le pharmakon (selon Socrate) est ce qui constitue
le remède à nos maux
mais qui peut devenir aussi notre poison.
Bernard Stiegler
(Pharmacologie du F.N.)

Comment mettre en œuvre,
sur nos chemins, l'espérance,
si, comme on le dit,
l'antidote de nos peurs,
c'est elle : le pharmakon

du citoyen Socrate.
Entre l'ombre et la lumière,
il cherche à panser
les plaies, qu'un mauvais usage
des mots occasionne à l'âme.

Car on ne peut pas:
« Tout savoir et rien payer »
nous dit la Sagesse.
Il nous faut du savoir vivre,
et faire, et être, d'abord.

Alors seulement
l'angoisse concrétisée
permet de cerner
la peur, mieux identifiée
et d'ouvrir la perspective,

où va l'espérance.
C'est là qu'intervient la joie,
ce feu du regard
qui éclaire au plus profond
le chemin si « malaisé » .
25.08.14

Compatibilité
-


Espérance et joie
sont elles bien compatibles ?
Pour être joyeux,
sous ce ciel d'apocalypse,
quelle espérance faut-il

mettre en œuvre, en soi,
dans le quotidien des jours,
non par sacrifice,
mais dans la simplicité
de l'approche existentielle ?

Cet autre regard
sur les hommes qui m'entourent
et ce sentiment
de fraternité vécue
qui le porte à l'horizon.

24.08.14

Voici venu le temps des confitures
-

Le temps est venu
de faire des confitures !...
Abricots et prunes
sont à l'honneur en cuisine,
après la gloire au jardin.

Soleil mis en pots,
l'écureuil, qui craint le manque,
fait ses provisions,
au milieu des casseroles
et des fourneaux amoureux.

Mais sait-il qu'il doit
écouter monter la plainte
des corps, affamés
de justice partagée,
dans la paix des cœurs joyeux ?

23.08.14

Commémorations aoûtiennes
-

Le soulagement
peut-il être confondu
dans l'instant de liesse
avec le soulèvement
de l'être vivant sa joie ?

Liesse et joie sont elles,
au filtre des vérités,
de même nature
quand les mouvements de foules
étirent leur farandole ?

Drapeaux et bannières,
déployés dans les grands vents,
au jours de victoires,
ont-ils pouvoir d'effacer
tant d'oubli et de souffrance ?

Sont ils les substituts
des battements de ton cœur
que les nuits d'angoisse,
d'hésitation, de prudence,
si longtemps ont entravés ?

Souvenirs, mémoire,
ont-ils toujours la sagesse
d'ouvrir la raison
d'une humanité vacante
au bord d'un gouffre insondable ?

22.08.14

Évaluation des coûts
-

Ils avaient quitté
le village des parents :
ils n'y trouvaient pas
l'espace où vivre leurs rêves.
On leur avait dit qu'ailleurs

La vie serait belle.
Ils avaient raison de croire
que c'était possible.
Mais ils ignoraient le prix
qu'il leur faudrait acquitter.

Le risque était pris
ils avancèrent sans peur,
tant d'autres comme eux
rompaient avec le passé...
Pas question de reculer !

Direction Paris !...
Droit sur l'avenir rêvé,
quel qu'en fut le prix.
L'image de leur village
restait leur plus sûr trésor.

21.08.14