Les deux voies de marche ou Le voyage de la vie
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Invitation au voyage
Quand j'entre à l'EHPAD,
au milieu de la tourmente,
soigner ma carcasse,
mon horizon s' éclaircit :
il me faut changer de vie !
J'allais m'enfermer
dans un cocon imaginé
excluant la vie
du monde en humanité...
Retrouve la vie commune !
Le fil de la vie,
cette kyrielle d'instants
fugaces, sans forme,
qui donne à l'espace-temps
ses mesures et les nôtres,
sur cette planète,
ardente en diversités
de populations,
dont la vue semble répondre
à un besoin de comprendre
l'unité dans la
diversité pour en faire
une humanité
créative, pacifique,
en Fraternité joyeuse...
La vie, ce voyage,
où nous sommes invités
à saisir ce qui
se passe alentour de nous
et compromet ce bonheur.
Précisions
Entrant à l'EHPAD
je suis parti en voyage
dans mes profondeurs,
voyage jamais fini
où m'accompagne l'esprit.
Quel est cet esprit,
celui que nous partageons
tous pour réguler
les puissances de nos âmes
qui font de nous des personnes.
Notre intelligence
fonde notre identité,
forgée dans la foule.
La mémoire rend compte
du parcours passé au mieux.
Notre volonté agit
sur les voyages futurs avec
nos frères, nos sœurs
et surtout le plus intime
au plus profond de nous.
C'est à ce voyage,
et seuls, non pas à ma suite,
que je vous invite
accompagnés de l'esprit
notre fidèle mentor.
Il n'est pas le maître,
seulement nous accompagne
mais nous laisse libres,
lorsque nous l'interrogeons,
il se veut alors Mentor.
*
Entré à l'EHPAD
vous, y entrez-vous avec moi ?
C'est ça le plus dur :
Le vieillissement admis
au regard de l'Espérance...
Non « venir le voir » !
Non pas compatir et tristes !
Partager l'audace
d'affronter l'inéluctable
pour soi et d'autres, en joie !
La similitude,
pacte de la création,
nous ouvre la voie
de l'instant de vérité,
semé par le temps : Aimer.
*
Quand le Fils de l'Homme
eut dressé l'état des lieux
il comprit qu'aimer
était la clé des deux voies
dans des modes différents.
La voie ordinaire
faisait de l'amour la source
de la vie humaine,
dans l'univers des concepts
et des combats quotidiens.
La voie intérieure
mettait l'amour au cœur de
l'être au regard
de l'esprit et de la voie
dans leur marche sidérale.
Il restait au souffle,
dont l'appel était premier,
d'apporter à l'âme
les nutriments de l'amour
pour en maintenir le cap.
*
Aimez !...Tout est dit !
Il ne reste plus qu'à être,
et sur les deux voies...
Réticence des mots dits
conjugués sans clairvoyance !
*
De l'inspiration du poète
Au début : Silence !
Et dans le flou des yeux qui
s'ouvrent, le vieil homme
assis sur un banc au bord
de la levée de ses partances...
Invitation à
suivre son voyage en lui,
yeux écarquillés
sur la moire étincelante
de la « petite mer » au soleil.
Cosmos chatoyant
comme une tension de l'être,
devenu pays,
où la présence de l'homme
marque mesure et tempo
de l'oratorio
dans le long déroulement
de la vie du vieux,
sur la scène intemporelle,
au point Oméga final.
*
Au carrefour des deux voies
« Quand tes compagnons
de marche, épuisés, s'arrêtent,
ne va pas plus loin !
Attends qu'ils aient retrouvés
des forces, du souffle en eux !... »
Les forces,c'est simple :
repos, chaleur, nourriture...
Le souffle, un filet
d'air sur la seconde voie
celle de l'Esprit, en toi,
en nous, au delà
du bruit de fond, en écho,
des périphériques,
dans la double vérité
de l'être en toi, sans égal.
Et l'Esprit fédère
en un bouquet d'énergies,
les puissances d'âmes
pour projeter le désir
sur la vie en double voie.
*
A la petite main
Tu es une aidante.
Et je dois t'en remercier
car tu es précieuse
pour veiller à mes besoins...
Quand aujourd'hui tu t'arrêtes,
Qu'as tu à me dire ?
Je ne te reconnais pas,
toi, tu me connais
Nous avons vécu ensemble
un voyage inénarrable
de notre tanière
où nous tenions nos états,
au champ de la lice
où il nous fallait bâtir
un monde qui soit vivable.
Enfants et adultes
mêlés nous prenions le train,
revenions le soir.
Nous échafaudions nos vies
à venir, et nous rêvions...
Le tour de la terre,
chaque jour à petits pas,
ainsi accompli
Vaut bien qu' on se reconnaisse
d' une même humanité
*
Ouvrons la fenêtre !
Soleil et nuages
se disputent le ciel clair...
Qui entretient l'âme ?
L'esprit, où se cache-t-il ?
Ouvrons la fenêtre !
Y a-t-il au ciel
de notre voie intérieure
des obscurités
qui soient autant de menaces
sur notre voyance claire ?
Entre les deux voies
le contact est permanent
quand on prend le soin
d'écouter l'écho du monde
dans le souffle de l'esprit
*
La Bonne journée
qu nous est souhaitée par
l'aidante quand elle
nous quitte après son service
revêt des tonalités
diverses suivant
l'humeur du ciel, de l'aidé,
l'intérêt porté
à la tâche, au donneur d'ordre
et tout cela sans mots dits.
Quelle est cette langue
qui exprime en vérité
la pensée de l'être,
sinon l'harmonie profonde
dans les silences du soi.
*
Vivre en humain
Réfléchis !... La vie
nouvelle n'est pas un fleuve
tranquille mais
torrent dévalant la pente
dans le vacarme des trombes.
Et toi, il te faut,
arc-bouté à tes valeurs,
traduire la langue
que nous parlons à l'EHPAD,
condamnés au soliloque,
pour demeurer libres
de soi et de ses tourments,
passés à ton filtre,
qui rend la vie supportable,
mais oblige à faire face.
Debout, sans subir,
ni biaiser d'aucune sorte,
et la main tendue
à tout frère en déshérence
et vivant ses différences.
*
Bilan provisoire
Ma vie a changé...
Il nous reste à l'achever,
sans regret ni haine,
là où elle nous conduit
après un houleux voyage.
Notre humanité
a fait de nous des humains,
aidés par l'esprit,
peut-être en voyance claire
pour en porter jugement.
Nous avons aimé
au mieux de nos intentions,
sur les pavés laissons
quelques traces, quelque ébauche,
quelques rêves évanouis.
L'humour et la joie
ne nous ont pas manqué.
Nous aurions pu faire
plus et mieux. La vie nous échappe.
Finissons la dignement !
Et sur les deux voies.
Le corps est usé à force
de marches forcées...
Il nous reste l'âme sur
la seconde voie avec
ses obscurités,
ses doutes et leurs silences,
mais aussi ses joies
dans un vivre en parallèle
au delà du raisonnable.
Venez mes amis !
Et pour ce dernier voyage
soyez assurés
que le fils de l'homme
nous a appris à aimer.